Journées de vacances

Jules Claretie – 1886

Je rassemble aujourd’hui, glanant parmi les feuillets oubliés, quelques souvenirs des excursions d’autrefois, sans avoir la prétention de donner ici autre chose que les sensations d’art d’un Parisien en voyage.

Jules Claretie, préface des Journées de vacances, E. Dentu, 1886.

Quand ses obligations mondaines et professionnelles parisiennes lui en laissent le temps, Jules Claretie voyage en France et en Europe. Il en consigne ici quelques souvenirs choisis, à travers vingt‐cinq chapitres qui emmènent le lecteur au Mont Saint‐Michel, à Londres et à Jersey — où il retrouve des exilés du coup d’État du 2 décembre 1851, notamment Victor Hugo —, dans le Jura suisse ou encore à Limoges, sa ville natale.

Et me voici...

Et me voici à Limoges, où le théâtre est fermé, où pas un café‐concert n’est ouvert, et où tout le spectacle consiste dans une représentation que doit donner le tambour‐major d’un régiment de ligne, tambour ventriloque dont les talents sont au service des victimes du dernier incendie.
Il y a eu, en effet, un incendie à Limoges. Limoges, avec ses maisons vieilles, construites en bois, semble condamné à périr par le feu. A tout instant une maison brûle. L’…

Je ne crois pas...

Je ne crois pas qu’il existe, en France, une autre corporation aussi solidement organisée. Les bouchers de Limoges sont fort riches. Ils se marient entre eux, seulement entre eux. Tous parents, tous cousins, ils pourraient partager des millions. Les mêmes noms se retrouvent là ; et les quatre ou cinq familles ne distinguent leurs membres que par des surnoms. Un tel s’appelle Charles X, un autre Louis XVIII. Toujours des noms de rois ou de princes. Nos b…

La rue de la Boucherie...

La rue de la Boucherie est affreuse ! Quand la détruira‐t‐on ? C’est ici le cri général. Les bouchers seuls ne le poussent point.
[…] Une ruelle étroite, descendant en pente vers une sorte de petite place, une rue bordée d’étaux sinistres, rue qui s’appelait encore, il y a quelques années, du vrai nom qu’elle mérite, la rue Torte, des maisons de bois hérissées de crocs où pendent des viandes dont le sang tombe goutte à goutte au ruisseau, des devantu…