Dans le Bas‐Limoges…
Honoré de Balzac | Le Curé de village (1839)
Au tout début du Curé de village, Balzac nous introduit les Sauviat, couples d’Auvergnats ferrailleurs près de leurs sous en commençant par leur intérieur, boutique sombre, sale, pas entretenue ; cette masure a été inspirée à l’auteur par une maison bel et bien existante à Limoges et qu’il découvrit lors de sa première venue en 1832.
Nous avons laissé Balzac à Limoges où, sous la conduite de M. Rémi Nivet fils, il visita rapidement la ville. Pour qui connaît la religiosité de l’auteur de la Comédie humaine, l’itinéraire de cette courte promenade, qui eut lieu entre le déjeuner et l’heure du départ de la malle‐poste de Lyon, est aisé à reconstituer. Par la rue du Collège et le faubourg Boucherie, le visiteur et son guide se dirigèrent vers la cathédrale. L’aspect extérieur du vieux monument, avec sa toiture en tuiles courbes, ses clochetons décapités, tel enfin que le montrent les gravures du temps, dut enthousiasmer médiocrement Balzac ; mais la beauté intérieure de l’édifice, l’élégance du superbe vaisseau dont les hautes colonnes s’élancent hardiment vers le ciel, rachetèrent certainement cette première impression. En traversant la rue et la place de la Cité, son attention avait été attirée par les curieuses maisons des des XIVe et XVe siècles aux larges portes en ogives, aux fenêtres dont les meneaux aujourd’hui brisés encadraient des vitraux très apparents il y a quelques années à peine. Balzac s’arrêta devant l’une de ces maisons située à l’angle des rues de la Cité et de la Vieille‐Poste et dont le rez‐de‐chaussée était occupé par la boutique d’un chaudronnier marchand de ferraille. Avec l’acuité de vision qui lui était particulière, il jugea que ce cadre était bien celui qui convenait à l’œuvre de fiction dont la genèse était vraisemblablement arrêtée dans son esprit, mais sans que le lieu de l’action et les détails en fussent déterminés. Dans ces pièces quasi obscures, derrière ce rideau de pierre se dérouleraient les scènes préliminaires du Curé de village, tandis que là‐bas, sur l’une des rives de la Vienne, près du vieux pont, s’accomplirait le crime qui formerait le pivot de l’action scénique.
Alfred Fray‐Fournier, Balzac à Limoges, p.7–8.
Mais la maison d’aujourd’hui est, à l’en croire, bien loin de sa grandeur d’antan…malgré les efforts faits lors des processions religieuses.
Cette maison avait évidemment appartenu jadis à des faiseurs d’haubergeons, à des armuriers, à des couteliers, à quelques maîtres dont le métier ne haïssait pas le plein air ; il était impossible d’y voir clair sans que les volets ferrés fussent enlevés sur chaque face où, de chaque côté du pilier, il y avait une porte, comme dans beaucoup de magasins situés au coin de deux rues.
Honoré de Balzac, Le Curé de village, Bibliothèque électronique du Québec, p.8.
La Vierge mutilée de leur pilier fut toujours, dès 1799, ornée de buis à Pâques. À la saison des fleurs, les passants la voyaient fêtée par des bouquets rafraîchis dans des cornets de verre bleu, surtout depuis la naissance de Véronique. Aux processions, les Sauviat tendaient soigneusement leur maison de draps chargés de fleurs, et contribuaient à l’ornement, à la construction du reposoir, l’orgueil de leur carrefour.
Honoré de Balzac, Le Curé de village, Bibliothèque électronique du Québec, p.19–20.
Bibliographie
Alfred Fray‐Fournier, Balzac à Limoges, Ducourtieux , 1898 (disponible sur la Bibliothèque numérique du Limousin).