Un matin, donc à l’aube, je quittais le bas Limousin, ses bois, ses profondes gorges où murmurent les ruisseaux, où grondent les torrents. En arrivant sur le plateau intermédiaire, déjà le paysage était transformé, les étangs ne sommeillaient plus sous les chênes : ils s’étalaient dans la bruyère, froids et clairs, tels que des plaques d’étain. A perte de vue, les champs de Brach, où des seigles verdissaient à peine, où pointait quelque tour à poivrière d’un autre âge, montraient leur stérilité. Puis des crêtes trapues au loin se soulevaient, hérissées de pins, telles que de sombres armées éparses dans le crépuscule. A regarder longtemps le ciel plein de nuées balayées par le vent, les troupes obscures semblaient se mettre en marche sur les pentes pelées.

Gaston Vuillier, « Chez les magiciens et les sorciers de la Corrèze », Le Tour du monde, n° 43, 28 octobre 1899.