Ici, en dehors de l’empreinte sauvage que donnent aux montagnards les bois, les torrents et les nuées, nous constatons d’abords l’action manifeste de lois ataviques. Dans une étude très sérieuse et très savante sur les races humaines du plateau central, publiée par le Bulletin archéologique de la Corrèze, M. Roujou a établi que les points culminants de la région corrézienne servirent d’asile aux plus anciennes races de l’Occident.

Il a découvert, au milieu de populations supérieures ayant pénétré plus tard, la présence de types humains d’une extrême infériorité et remontant, vraisemblablement, à une antiquité très haute. Il a également révélé, en ces parages, l’existence, longtemps contestée, des races mongoloïdes. Mais celles‐ci sont de mœurs assez douces.

Il m’a été facile d’en reconnaître moi‐même des individus dont les principaux signes distinctifs sont : les cheveux noirs, rudes, plantés droits, les yeux obscurs et bridés, la peau jaunâtre.

En certaines régions stériles de la montagne, et çà et là dans les pentes inférieures, on retrouve, dans plusieurs hameau, le Liguroïde au type caractéristique, dont le naturel a conservé la cruauté, la bestialité et la rapacité des vieux ancêtres. Comme leurs aînés ils sont farouches, taciturnes, méfiants ; longtemps ils demeureront ennemis de tout progrès.

[…]

Ce mélange de races barbares, cette persistance d’impulsions primitives nous expliquent pourquoi les superstitions et les légendes du Limousin n’offrent point la poésie nébuleuse et attachante qui les distingue dans la Bretagne celtique. Et pourtant quels paysages mieux que ceux de la Corrèze pour éveiller la poésie ! Mais l’atavisme dirige plutôt ces races vers la sorcellerie et la magie noire, vers l’effroi des nuées et des tempêtes, vers des conceptions d’épouvante.

Gaston Vuillier, « Chez les magiciens et les sorciers de la Corrèze », Le Tour du monde, n° 43, 28 octobre 1899.

Gaston Vuillier s’inscrit dans les préoccupations de son siècle, marqué, du point de vue des sciences, par la compréhension des origines de l’homme et la classification des espèces et des races. Dans le Limousin qu’il observe, il cherche des survivances, les origines d’un monde disparu.

[…] il m’a semblé découvrir des restes de croyances et de rites se rattachant à des origines sacrées, des survivances de thérapeutiques qui furent probablement en usage chez des races primitives.

Gaston Vuillier, « Chez les magiciens et les sorciers de la Corrèze », Le Tour du monde, n° 43, 28 octobre 1899.

Il décrit l’aspect physique des habitants les rattachant à ce qu’il appelle « le type liguroïde ». Il fonde son intuition sur une théorie développée par certains géographes du XVIIIe siècle, qui avaient imaginé que le monde, à l’origine, était fait d’une chaîne montagneuse unique, bouleversée par la suite et dont certaines régions seraient les vestiges. Débutant par l’Andorre, qui, selon lui, est un fragment de ce vaste territoire disparu, il trouve en Limousin un conservatoire, exemplaire à ses yeux, des temps les plus anciens.