Le père Charel…

Maurice Leblanc | L’Aiguille creuse (1909)

Le père Charel ne pouvait parler ? Soit. Mais on pouvait connaître du moins la foire où le bonhomme s’était rendu, et la route logique qu’il avait prise pour en revenir. Et, le long de cette route, peut‐être enfin serait‐il possible de trouver…

Isidore, qui d’ailleurs n’avait fréquenté la masure du père Charel qu’avec les plus grandes précautions, et de façon à ne pas donner l’éveil, Isidore décida de n’y point retourner. S’étant renseigné, il apprit que le vendredi, c’était jour de marché à Fresselines, gros bourg situé à quelques lieues, où l’on pouvait se rendre, soit par la grand’route, assez sinueuse, soit par des raccourcis.

Le vendredi, il choisit, pour y aller, la grand’route, et n’aperçut rien qui attirât son attention, aucune enceinte de hauts murs, aucune silhouette de vieux château. Il déjeuna dans une auberge de Fresselines et il se disposait à partir quand il vit arriver le père Charel qui traversait la place en poussant sa petite voiture de rémouleur. Il le suivit aussitôt de très loin.

Le bonhomme fit deux interminables stations pendant lesquelles il repassa des douzaines de couteaux. Puis enfin, il s’en alla par un chemin tout différent qui se dirigeait vers Crozant et le bourg d’Eguzon.

Maurice Leblanc, L’Aiguille creuse, La Bibliothèque électronique du Québec, p.214–215.

Après l’enlèvement de son père, Isidore Beautrelet mène l’enquête mais se trouve vite démuni, sans indice ni piste, du côté de Châteauroux…

Il changea son quartier général, s’établissant deux jours à La Châtre, deux jours à Argenton.

Maurice Leblanc, L’Aiguille creuse, La Bibliothèque électronique du Québec, p.207.

Un courrier de son père lui parvient finalement, en provenance de Cuzion : le père Charel, rémouleur de son état, a trouvé cette lettre et l’a remise au maire…

– Une lettre jetée à la poste mercredi dernier ? s’écria le maire, brave bourgeois auquel il se confia, et qui se mit à sa disposition… Écoutez, je crois que je peux vous fournir une indication précieuse… Samedi matin, un vieux rémouleur qui fait toutes les foires du département, le père Charel que j’ai croisé au bout du village, m’a demandé : « Monsieur le maire, une lettre qui n’a pas de timbre, ça part tout de même ? – Dame ! – Et ça arrive à destination ? – Parbleu, seulement il y a un supplément de taxe à payer, voilà tout. »

Maurice Leblanc, L’Aiguille creuse, La Bibliothèque électronique du Québec, p.210.

Malheureusement, le père Charel a été victime de « l’empoisonnement » d’Arsène Lupin et de sa bande, le laissant inconscient quelques temps et surtout sans souvenirs des derniers événements…