C’est seulement en 1808…

Martin Nadaud | Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon (1895)

C’est seulement en 1808 que la baraque des chiffonniers fut transformée par mon grand‐père et mon père.

Ce dernier m’en a donné souvent la description ; elle nous fait assez bien connaître l’état des paysans pour que je n’y consacre pas quelques lignes. La porte d’entrée existe encore dans son état primitif ; tout passait par cette ouverture : les personnes et les animaux ; ces derniers tournaient à gauche ; une simple cloison les séparait de la pièce qui servait de chambre à coucher et de cuisine à la famille qui, pêle‐mêle, couchait sur de misérables grabats.

Mais ce n’était pas là le plus grand des inconvénients ; on faisait la pâture des bestiaux sur le lambris que recouvrait un plancher disjoint de la chambre d’habitation. Il en résultait que les graines de foin, des brins de paille tombaient à chaque instant sur la table où on prenait les repas.

Cette situation faite à ma famille, indique à n’en pas douter, l’état général de nos populations, il y a un peu plus de cent ans.

Martin Nadaud, Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon, Bourganeuf, A. Duboueix, imprimeur‐libraire, 1895, p.8–9 (disponible sur Gallica)

Dans cet extrait, Martin Nadaud dresse un tableau de ce qu’était la maison familiale avant que des travaux n’y soit entrepris quelques années avant sa naissance ; tableau que ne renierait pas les « grands » auteurs réalistes du XIXe siècle et qui lui permet finalement de tirer de cet exemple un propos généraliste, critique, social.

Cet extrait entre d’ailleurs en résonance avec la lettre que Jean de La Fontaine adresse à sa femme depuis sa halte à Bellac :

On place en ce pays‐là la cuisine au second étage. Qui a une fois vu ces cuisines n’a pas grande curiosité pour les sauces qu’on y apprête. Ce sont gens capables de faire un très méchant mets d’un très bon morceau.