Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon

Martin Nadaud – 1895

Avec les Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon, intitulées ainsi en hommage à son père, Martin Nadaud propose en réalité son autobiographie, retraçant son parcours chronologiquement : de l’enfance marquée par l’éducation souhaitée par son père à l’expérience précoce des migrations régulières pour Paris et du dangereux métier de maçon, de la découverte des idées républicaines et socialistes à son premier mandat de député, de son exil en Belgique et en Angleterre à son retour et ses combats politiques…

Martin Nadaud souhaite non seulement témoigner de son ascension sociale, rendue possible par l’éducation reçue enfant puis à travers les cours du soir ainsi que par les valeurs républicaines et socialistes, mais aussi rendre compte de son action politique, notamment en tant que député, n’ayant jamais cessé de défendre les ouvriers, n’ayant « jamais oubli[é] la triste condition du peuple ».

Les pierres druidiques

Pendant les soixante ans que j’ai habité Paris ou Londres, dans les courtes visites que j’ai pu faire au pays, j’ai revu bien des fois les lieux où j’ai gardé les troupeaux, et les ruisseaux où je pêchais à la main, les goujons et quelquefois les truites ; mais où je me rendais toujours avec le plus d’agrément, c’était au sommet d’une des trois montagnes qui entourent notre village et que nous appelons le Puy‐Maria. Là, on trouve de nombreuses pierres sur l…

C’est seulement en 1808...

C’est seulement en 1808 que la baraque des chiffonniers fut transformée par mon grand‐père et mon père.

Ce dernier m’en a donné souvent la description ; elle nous fait assez bien connaître l’état des paysans pour que je n’y consacre pas quelques lignes. La porte d’entrée existe encore dans son état primitif ; tout passait par cette ouverture : les personnes et les animaux ; ces derniers tournaient à gauche ; une simple cloison les séparait de la pièce qui ser…

Un instant après

Un instant après j’arrivais à Pontarion à l’auberge du père Duphot où nous attendaient les camarades qui se dirigeaient avec nous vers Paris et ceux qui, en plus grand nombre, étaient venus nous accompagner ; là, on commença à vider des bouteilles de vin blanc, et les vieux qui restaient nous adressaient des paroles encourageantes et nous recommandaient, surtout d’avoir de la conduite et de garder toujours un bon souvenir du pays.

Arrivés au Marivet, petit…

Il se retira à Beaumartys...

Il se retira à Beaumartys, où il était né en 1775, village situé sur un plateau formé par trois hautes montagnes, et si isolé que personne ne cherche à y habiter sauf ceux qui y sont nés. On montre sur le versant d’une de ces montagnes, voisines de mon village un ouvrage de terrassement qu’il commença à 60 ans, qui ferait peur à entreprendre aux plus hardis de nos terrassiers. Là, où il n’y avait que marécages, ronces ou rochers, on y voit une prairie des …

C’est cette même année 1836

C’est cette même année 1836, que je commençai à me faire des amis politiques dans notre ville de Bourganeuf. Émile de Girardin, notre député, venait de tuer en duel, Armand Carel. On le faisait passer pour un bâtard de Louis‐Philippe.

Grâce à la crânerie de son caractère, il s’était formé autour de lui un petit clan d’ambitieux et d’intrigants qui s’imaginaient qu’avec un protecteur pareil, ayant la main si longue, tous leurs désirs devaient s’accomplir. …

Cette fatale assemblée nationale...

Cette fatale assemblée nationale, qui a voté la constitution qui nous régit encore, d’une manière assez déplorable, comprit pourtant la nécessité de doter tous nos chefs‐lieux d’arrondissement d’un chemin de fer.
Naturellement, Bourganeuf devait avoir le sien. A ce propos, il s’éleva au sujet de l’emplacement de notre gare, entre un petit clan de propriétaires, à la tête duquel se trouvait M. Delage, propriétaire de Rigour, et le reste de la population, …