Déjà sa maison s’élevait…

Jules Sandeau | Le Docteur Herbeau (1841)

Déjà sa maison s’élevait, blanche et coquette, sur la place des Récollets, dominant les riches prairies, les champs baignés par la Vienne, et les fabriques de porcelaine semées au pied du coteau. Déjà, sur les flancs de la colline, couraient les allées sablées d’un jardin où, nouveau Zénon, le docteur promenait ses rares loisirs. On y remarquait un kiosque dont l’architecture, excessivement chinoise, faisait honneur au goût d’Aristide Herbeau, qui, plus heureux que Perrault, fut à la fois un habile architecte et un grand médecin. C’était là que, durant les soirées chaudes et sereines, il aimait à rassembler les intelligences d’élite qui faisaient revivre alors à Saint‐Léonard les beaux jours de la cité de Périclès. […] Les petites réunions du kiosque furent célèbres dans le pays, on en parle encore à Limoges. Il s’y buvait une énorme quantité de bière. La politique en était bannie ; mais les arts, la science et la littérature s’y voyaient traités avec une supériorité qu’on ne rencontre guère que dans les salons de Saint‐Léonard.

Jules Sandeau, Le Docteur Herbeau, G. Charpentier, 1882, p.10–11.

Après nous avoir présenté le bon docteur Herbeau puis sa femme, Adélaïde, parfois terriblement jalouse, acariâtre, la plaie du docteur, l’ombre de son soleil, l’eau qui trempait son vin, le rugueux revers de sa médaille d’or, Jules Sandeau nous présente l’environnement du docteur, sa maison située sur la place des Récollets, aujourd’hui sans doute place du 14‐Juillet.

L’ironie de Jules Sandeau ne tarde ainsi guère à se révéler ; il s’en donne également à cœur joie lorsqu’il en vient à l’intérieur de la maison :

La maison du docteur était petite, mais l’intérieur en était élégant et habilement disposé. Il est vrai que les cheminées fumaient, qu’il fallait passer par la cuisine pour arriver à la salle à manger, que les tapis en étaient proscrits, le carreau glacé ; qu’on y gelait en hiver, qu’on y grillait en été ; mais c’était d’ailleurs un véritable bijou.

Jules Sandeau, Le Docteur Herbeau, G. Charpentier, 1882, p.12.