Dès que nous fûmes arrivés, mon fidèle Achate (qui pourrait‐ce être que M. de Chateauneuf?) disposa les choses pour son retour, et choisit la voie du messager à cheval, qui devait partir le lendemain. Je fus fâché de ce qu’il nous quittait si tôt ; car, en vérité, il est honnête homme, et sait débiter ce qui se passe à la Cour de fort bonne grâce ; puis il me semble qu’il ne fait pas mal son personnage dans cette relation. Désormais nous tâcherons de nous en passer, avec d’autant moins de peine qu’il ne reste à vous apprendre que ce qui concerne le lieu de notre retraite : cela mérite une lettre entière.

En attendant, si vous désirez savoir comme je m’y trouve, je vous dirai : assez bien ; et votre oncle s’y doit trouver encore mieux, vu les témoignages d’estime et de bienveillance que chacun lui rend, l’évêque principalement : c’est un prélat qui a toutes les belles qualités que vous sauriez vous imaginer ; splendide surtout, et qui tient la meilleure table du Limousin. Il vit en grand seigneur, et l’est en effet. N’allez pas vous figurer que le reste du diocèse soit malheureux et disgracié du Ciel, comme on se le figure dans nos provinces. Je vous donne les gens de Limoges pour aussi fins et aussi polis que peuple de France : les hommes ont de l’esprit en ce pays‐là, et les femmes de la blancheur ; mais leurs coutumes, façon de vivre, occupations, compliments surtout, ne me plaisent point.

Michel Mouret, Jean de La Fontaine, Lettres à sa femme. Voyage de Paris en Limousin, Éditions Valmonde‐Trédaniel, Paris, 1995, p.88–91.

Le Voyage de Paris en Limousin de Jean de La Fontaine s’achève à Limoges. Étonnamment, Limoges semble lui plaire. La lettre qu’il adresse à sa femme réhabilite le Limousin qui « mérite une lettre entière ». Il écrit alors qu’il se trouve assez bien à Limoges et fait l’éloge de l’évêque qui tient la meilleure table de la région. Le voyageur semble même apprécier – bien que sans excès – les limougeauds dont il dit :

Je vous donne les gens de Limoges pour aussi fins et polis que peuple de France. Les hommes ont de l’esprit en ce pays là et les femmes de la blancheur ; mais leurs coutumes, façon de vivre, occupations, compliments surtout, ne me plaisent point.