Autant que l’abord de cette ville est fâcheux, autant est‐elle désagréable, ses rues vilaines, ses maisons mal accommodées et mal prises. Dispensez‐moi, vous qui êtes propre, de vous en rien dire. On place en ce pays‐là la cuisine au second étage. Qui a une fois vu ces cuisines n’a pas grande curiosité pour les sauces qu’on y apprête. Ce sont gens capables de faire un très méchant mets d’un très bon morceau. Quoique nous eussions choisi la meilleure hôtellerie, nous y bûmes du vin à teindre les nappes, et qu’on appelle communément « la tromperie de Bellac » : ce proverbe a cela de bon que Louis XIII en est l’auteur.
Rien ne m’aurait plu sans la fille du logis, jeune personne et assez jolie. Je la cajolai sur sa coiffure : c’était une espèce de cale à oreilles, des plus mignonnes, et bordée d’un galon d’or large de trois doigts. La pauvre fille, croyant bien faire, alla quérir aussitôt sa cale de cérémonie pour me la montrer. Passé Chauvigny, l’on ne parle quasi plus français ; cependant cette personne m’entendit sans beaucoup de peine : les fleurettes s’entendent par tout pays, et ont cela de commode qu’elles portent avec elles leur truchement. Tout méchant qu’était notre gîte, je ne laissai pas d’y avoir une nuit fort douce. Mon sommeil ne fut nullement bigarré de songes comme il a coutume de l’être : si pourtant Morphée m’eût amené la fille de l’hôte, je pense bien que je ne l’aurais pas renvoyée ; il ne le fit point, et je m’en passai.

Michel Mouret, Jean de La Fontaine, Lettres à sa femme. Voyage de Paris en Limousin, Éditions Valmonde‐Trédaniel, 1995, p.88–91.

C’est à Bellac – première escale en Limousin – que Jean de La Fontaine livre le constat du mauvais état des routes lors de son Voyage de Paris en Limousin :

L’abord de ce lieu, m’a semblé chose singulière et qui vaut la peine d’être décrite ; quand de huit à dix personnes qui y ont passé sans descendre de cheval ou de carrosse, il n’y en a que trois qui se sont rompu le cou, on peut s’en féliciter.

Jean de La Fontaine

À cet état des routes s’ajoute la déception de l’auberge qui, bien que la meilleure de Bellac, ne semble pas lui convenir. Dans ce récit, il mentionne sa rencontre avec une servante de cet auberge, ce qui permettra à Jean Giraudoux, originaire de Bellac, de s’imaginer une affiliation avec ce poète pour qui l’écrivain noue une grande passion.

Jean de La Fontaine n’est visiblement pas le seul à faire l’état péjoratif des auberges de la région, Arthur Young en fait également le constat quelques années plus tard dans ses écrits Voyage en France :

En allant à Limoges […] nous nous arrêtons à une exécrable auberge, appelée Maison‐Rouge, où nous avions dessein de coucher ; mais après avoir examiné le local, nous le trouvâmes si incommode, et le garde‐manger si mal fourni que nous poussâmes jusqu’à Limoges.