Un soir d’octobre…

Gaston Vuillier | En Limousin (paysages et récits) (1893)

Un soir d’octobre, à Gimel, tandis que nous causions au coin du feu, la porte s’ouvrit brusquement, et une sorte d’animal apocalyptique se dressa devant nous. Les femmes poussèrent des cris affreux.

L’énorme bête, demeurée sur le seuil, allongeait le cou, remuait lentement la tète, avançait, reculait, flairait le plafond, fouillait de son museau. Il était vraiment effrayant, ce fantôme, sorte d’animal de très haute taille aux formes bizarres, qui venait de se montrer pour disparaitre presque aussitôt.

J’en fus un peu impressionné, et les gens du pays auxquels il est déjà apparu ne peuvent se défendre d’un grand effroi ; cependant il n’a plus guère de
mystère pour eux.

C’est d’habitude la nuit, sous la pâle lune, à l’heure où les gens se retirent chez eux, que le fantôme ou Cheval de Paille apparaît dans les rues du village. Ce fantôme est composé d’une simple fourche garnie de foin ou de paille recouverte d’une serpillière sous les plis de laquelle quelqu’un se tient caché.

« En Limousin » est aussi l’occasion pour Gaston Vuillier, au‐delà des descriptions de paysages majestueux et des comptes‐rendus de ses riches visites, de rendre compte des mythes, croyances et superstitions de la Corrèze. Il s’attachera d’ailleurs au « folklore » des guérisseurs et rebouteux dans des livraisons ultérieures du Tour du monde notamment avec son reportage « Chez les magiciens et les sorciers de la Corrèze » (1899).