Que de belles promenades…

Delphine de Girardin | Lettres parisiennes (1843)

Que de belles promenades nous avons faites dans ces campagnes ! que de fois les flots du Thorion ont réfléchi l’étrange image de notre coursier ! Nous disons coursier, le nom de cheval ne lui conviendrait en aucune sorte. C’était un quadrupède de race et forme sans noms, dont l’allure de fantaisie était pleine d’originalité. Ce compagnon de voyage n’était pas digne de nous sans doute, il n’avait en apparence rien d’élégant ; aussi était‐ce pour nous moins une monture qu’un guide. Mais ce bon vieillard qui se disait natif de Limoges, connaissait si bien le pays ! Il savait tous les détours de la montagne, il s’arrêtait dans tous les pacages, il allait boire à toutes les fontaines, il entrait dans toutes les chaumières, il saluait toutes les jeunes filles, et fuyait tous les paysans ; la voix d’un charretier le remplissait de crainte ; le moindre fouet claquant dans les airs le faisait partir au grand trot. C’était plus fort que lui, c’était plus fort que nous, il n’était pas maître de ses souvenirs. Grâce à son humeur vagabonde, nous avons parcouru tout le canton, nous avons visité les ruines du temple des Druides à Perseyx, monument superbe que M. Mérimée ne connaît pas ; nous avons vu le joli lac de Péra, l’étang de la Chapelle, la cascade de Saint‐Martin‐le‐Château, les bois du Palais, Pontarion, Sauviat, etc., etc.

Madame de Girardin, Lettres parisiennes, Charpentier, 1843, p.237.

Delphine de Girardin poursuit sa présentation de Bourganeuf — qui concilie eaux implacables avec ce « torrent que rien n’arrête » et élégance des femmes de notables — en évoquant les promenades qu’elle a faites dans cette nature qui ne saurait être autre que sauvage et mystérieuse, menée par un cheval indompté.